Tribunal des délires flagrants ?

Dominique Henry, agricultrice du Haut-Doubs retraitée, était convoquée ce jeudi au tribunal correctionnel de Montbéliard pour avoir refusé un prélèvement ADN exigé par la justice. Il semblerait que pour les procureurs de ce pays, la lecture des séquences ADN soit indispensable à la manifestation de la vérité, dans une affaire où d’ailleurs, les prévenus reconnaissent fort volontiers leur culpabilité puisqu’il s’agit d’une action militante. Dominique est impliquée dans le « démontage » de la salle de traite ( en clair le dévissage de quelques boulons)de la ferme des mille vaches en 2014 dans la Somme ; une action non violente mais illégale pour laquelle a justice la condamne à quatre mois de prison avec sursis, transformés en 2015 en 3 000 € d’amende avec sursis. Dominique Henry obtient même avec ses trois camarades le statut de "lanceur d’alerte". Un comité de soutien s’est constitué autour d’elle. Ce refus de prélèvement d’ADN constitue un délit au regard de la loi. Elle risque jusqu’à 1 an de prison et 15 000 euros d’amende.

Malgré les frimas, plus de 350 personnes, associatifs, syndicalistes, élus, citoyens, s’étaient donné rendez-vous à la salle du centre social Jules Verne de Montbéliard pour soutenir Dominique Henry et ses camarades dans leur combat pour une agriculture respectueuse de la nature et des valeurs humaines les plus hautes. La chaleur humaine, la solidarité et le solide casse croûte préparé par la Confédération Paysanne ont entretenu le moral des troupes qui, en début d’après-midi accompagnèrent Dominique à son audience au tribunal de Montbéliard. Auparavant, dans la matinée, au cours d’interventions, dont la plus remarquée fut celle de Charles Piaget, différents intervenants ont affirmé leur soutien au combat mené par Dominique. Car au-delà de ces militants, c’est tout le mouvement social et la société entière qui sont concernés par la criminalisation de l’action syndicale, le fichage génétique des populations et les dégâts de l’agriculture productiviste.
" En garde à vue, je me suis posée la question. Je me suis dit que je n’étais pas obligée d’accepter ce prélèvement d’ADN, malgré la pression exercée par le gendarme. Je me suis sentie humiliée. Je vais me retrouver dans un fichier avec des délinquants et des criminels. En 98, au départ, ce fichier est créé pour les délinquants sexuels puis étendu par Nicolas Sarkozy en 2003 pour toutes les personnes gardées à vue et reconnues coupables. Ce qui est mon cas. Mais sont exclues celles qui sont coupables d’abus de confiance ou de biens sociaux, de favoritisme, de corruption ou trafic d’influence, bref on le comprend, tous les délinquants en col blanc…

Si vous êtes dans ce fichier, c’est pour 40 ans. Pendant 40 ans, vous êtes un suspect permanent. Dans mon ADN, il y a des caractéristiques personnelles, sur le groupe ethnique ou encore des informations sur ma santé ou des maladies génétiques. Je pense à mes enfants, mes petis-enfants. On​ est tous concerné. Je fais le parallèle avec la seconde Guerre Mondiale : dans l’histoire, on a vu des fichiers utilisés à mauvais escient."

Des citoyens, des intellectuels et même certains politiques s’émeuvent, à juste titre de cette frénésie de fichage institutionnel qui constitue à leurs yeux une atteinte grave aux libertés fondamentales.

Utilisant l’émotion soulevée en 1998 par l’affaire du violeur et tueur en série Guy Georges, le fichier des empreintes génétiques, avait pour vocation initiale de conserver l’ADN des personnes mises en cause dans des crimes (meurtre, homicide, viol, abus sexuels…).

Aujourd’hui L’ADN de plus de 3 millions de personnes a intégré ce fichier. Sur ce chiffre considérable, on note que moins de 500 000 sont des personnes condamnées, la différence étant constituée par 2,3 millions de personnes mises en cause (sans être pour autant condamnées) et 250 000 prélèvements ADN inconnus.

Avec quelle garantie sur la protection des données recueillies ?

Le jugement a été mis en délibéré jusqu’au 19 janvier. Souhaitons bien du plaisir aux juges et divers procureurs pour expliquer à leurs enfants une éventuelle condamnation de Dominique.